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Déc 03

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La crise de la dette : un nouvel épisode de la crise du système capitaliste

L’endettement est d’abord celui du secteur privé

La focalisation actuelle sur les dettes publiques et leur sinistre corollaire, les plans d’austérité qui se succèdent dans les pays européens dans une accélération incontrôlée, fait aujourd’hui l’impasse sur l’essence de cette crise : le niveau insoutenable atteint par l’endettement du secteur privé des pays « dits » développés.

Les médias, les gouvernements focalisent toujours l’attention sur les effets plutôt que sur les causes des crises.

La réalité est qu’au cours de la dernière décennie l’endettement privé s’est accéléré :

  • incités par les banques, les particuliers se sont endettés pour consommer ou pour devenir propriétaires dans l’illusion d’un possible enrichissement dans un contexte de compression des salaires ;
  • des entreprises et des organismes de la finance se sont endettés pour spéculer ;
  • les Etats se sont endettés pour combler le recul des rentrées fiscales que le monde des affaires et de la finance n’a plus entendu leur concéder en vue d’une redistribution solidaire.

Dix ans de croissance en trompe l’œil qui débouche sur la récession

Depuis plus de dix, ces pays ont connu une croissance artificielle financée par une bulle de crédit devenue aujourd’hui irrécouvrable dans le cadre d’un bilan falsifié du système bancaire, hors de la réalité.

Pour pallier à la diminution du taux moyen de profit des capitaux, la financiarisation a été dopée :

  • par une déréglementation irresponsable du système financier ;
  • par la croissance démesurée des bilans et des intermédiations transfrontalières ;
  • par l’abandon des règles de prudence concernant les ratios bilans/fonds propres contournées par l’artifice d’une réassurance des risques ;
  • par le procédé de titrisation des prêts, qui les a externalisé hors bilan pour masquer la détention de dettes « pourries ».

Toutes ces questions avaient été soulevées en 2008 lorsque le système était à un doigt de s’effondrer, Nicolas Sarkozy s’en faisant l’écho dans son discours de Toulon n’avait-il pas martelé:

«L’idée du marché tout puissant qui a toujours raison, c’est fini !» ou encore «Il faut réglementer les banques !» . Rien de fondamental n’a été esquissé, bien au contraire. La rigueur est imposée par les marchés et la lutte contre les paradis fiscaux, les salaires des traders et les bonus n’a pratiquement pas été menée.

Le phénomène s’est déroulé en outre dans un contexte d’afflux de capitaux provenant :

  • des profits des pays exportateurs (Chine, …) et de la rente des détenteurs des matières premières (pétrole, …) ; cela a également été le cas en Europe où les surplus intra-européens ont été recyclés en dettes méditerranéennes, baltiques, celtiques, … ;
  • de l’accumulation des réserves de précaution en devises des pays émergents échaudés par la crise de 1997 ;
  • des inégalités croissantes dans les pays développés se traduisant par la réinjection d’une part plus importante des revenus sous forme de créance monétaire ou d’investissement non productif ;
  • d’une démographie globalement vieillissante avec une épargne de précaution sous forme de dettes directes pour l’immobilier et la consommation, ou indirectes sous forme d’actions, de dividendes, d’obligations pesant sur les jeunes actifs.

Dans cette période de compression des salaires et de concurrence baissière des pays émergents, la surévaluation des actifs patrimoniaux a servi un temps de courroie de transmission vers l’économie réelle.

Tant qu’il y a eu de nouveaux entrants, il y a eu illusion de richesse via le poids de l’investissement immobilier et de la consommation des ménages.

Mais la croissance fondée artificiellement sur l’empilement de la richesse papier et des vraies dettes est aujourd’hui terminée et il est devenu incontournable de solder le passif et de dégonfler la bulle des créances.

Pour cela encore faudrait-il reconnaître dans toute son ampleur l’existence de ce passif et surtout l’évidence que seule la puissance publique peut piloter un tel processus de dégonflement de la bulle pour en limiter les conséquences sur les populations.

Les incantations sur la croissance extérieure et la compétitivité ne suffiront pas, car chaque excédent commercial a pour contrepartie un déficit et en régime de monnaie unique accroître la compétitivité signifie entrer dans une nouvelle spirale mortifère de baisse des salaires européens!

Alors, dans l’immédiat, le désendettement privé devrait requérir un investissement public, et donc a minima en cette période d’attaques spéculatives, une mobilisation de l’outil monétaire, une réduction de la capacité de nuisance des capitaux flottants, un contrôle accru sur l’activité du secteur financier.

Mais silence de ce côté et les mâles déclarations sur le courage de la rigueur sont totalement inefficaces et nous entraîneront vers la dépression, le chômage de masse, la dégradation des conditions de vie des salariés et des chômeurs.

Une crise supplémentaire du système capitaliste

La crise de la dette est donc la conséquence inéluctable d’un système où le tout financier, la marchandisation universelle et le court terme sont devenues les normes supérieures.

C’est aussi et surtout la crise de l’abandon du contrôle politique amorcée en 1973 par une mesure qui a empêché le Trésor public d’emprunter à la Banque de France, qui elle-même ne peut plus utiliser la création monétaire pour combler les déficits publics.

Et quel chemin parcouru depuis – les Etats sont aujourd’hui obligés d’emprunter auprès des banques privées, seules autorisées à se fournir à faible taux à la BCE tout en prêtant à des taux variables qui dépendent du risque de recouvrement des dettes évaluées par des agences de notation privées. Les dettes des Etats évoluent minute par minute.

Dans ces conditions comment mettre en place le moindre plan obéissant à la rationalité ?

Sans compter que depuis 1975, l’idéologie dominante des sphères gouvernementales et des dirigeants de la finance consiste à nier toute efficacité aux fonctionnements politiques démocratiques sous prétexte de pragmatisme et d’expertise.

Depuis une quarantaine d’années les instances de régulation politique ont été dessaisies de leurs missions et l’on confie aux experts de la finance, des Etats et de la société civile les décisions qui étaient celles des institutions démocratiques chargées de l’application des souverainetés populaires.

Le FMI, le G8 (voire le G2, Chine-Etats-Unis), priment sur l’ONU, la commission européenne, la BCE et même les banques privées priment sur les Etats.

Le supranational continental et planétaire conditionne toujours davantage nos vies, mais il ne s’agit en aucune façon d’un espace de politisation démocratique. La concurrence fait rage à tous les niveaux empêchant toute tentatives de coopération entre les Etats. Le commun disparaît au profit de l’addition des égoïsmes privés.

Une réponse coordonnée de l’Europe est-elle possible ?

A Toulon, en 2008, Nicolas Sarkozy avait pourtant martelé : «Si ce qui s’est passé aux États-Unis s’était passé en Europe (la chute de Lehman Brothers), avec quelle rapidité, avec quelle force, avec quelle détermination l’Europe, avec les institutions actuelles, les principes actuels, aurait-elle fait face à la crise ?». Bonne question dont la réponse concrète apparaît aujourd’hui, en ce début décembre 2011. On constate que la guerre entre les Etats européens bat son plein ! La France et l’Allemagne s’affrontent sous l’observation résignée des états les moins puissants.

L’Allemagne défend l’orthodoxie financière de réduction des déficits, là où la France prône un peu de solidarité financière entre pays européens – rôle de la BCE, émission d’euro-obligations pour mutualiser la dette européenne, renforcement du Fonds européen de stabilité financière. Mais l’Allemagne par la voix d’Angela Merkel refuse de faire appel aux contribuables allemands sans contrôle sur les pays « laxistes ».

Sous la pression du peuple français qui a voté « non » au Traité Constitutionnel européen en 2005, Nicolas Sarkozy et son cabinet émettent en parole l’idée de s’opposer timidement à une délégation de pilotage budgétaire concernant la Commission européenne ou à la Cour de Justice, car « cela poserait un énorme problème aux démocraties que nous sommes ». Elle accepterait d’introduire de l’automaticité dans les sanctions à condition de ne pas casser les institutions démocratiques nationales, ni court-circuiter les peuples. Peine perdue, Nicomas Sarkozy mangera son chapeau.

Face à une Europe du droit et des règles, Nicolas Sarkozy fait mine de défendre une Europe politique, où les décisions seraient prises par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro – qui conserveraient leur droit de veto – puis validées par les Parlements nationaux.

Concernant la création d’euro bonds, l’Allemagne refuse une union de transferts financiers payés par elle, alors que la France y verrait une solution à long terme en échange des exigences budgétaires allemandes.

Là où l’Allemagne privilégie une réforme des traités à 27, une sorte de super-Maastricht allemand, la France privilégie un traité entre les Etats de la zone euro, proposition essuyant un refus du Royaume Uni, de l’Allemagne, du Bénélux qui veulent placer les institutions européennes au cœur du gouvernement économique.

Pour maintenir le poids de la France, Nicolas Sarkozy envisage un accord franco-allemand, ouvert aux pays volontaires pour organiser la convergence entre les deux poids lourds de la zone euro.

Concrètement, le résultat débouchera sur un abandon supplémentaire des souverainetés nationales autoritairement imposé par les oligarchies financières via les gouvernements à leur service.

Dans l’état actuel de la domination de la finance on voit bien que la constitution politique de l’Europe est impossible et chaque décision prise en son sein est réactionnaire et se tourne contre les peuples.

La guerre économique s’exacerbe. Les esprits s’échauffent et Arnaud Montebourg accuse Angela Merkel d’imposer une politique à la Bismarck permettant à l’Allemagne de faire fortune sur la ruine des pays les plus faibles et la Chine de mettre à genoux tous les pays européens.

Mais la véritable position internationaliste ne consiste-t-elle pas à de ne pas assimiler les peuples à leurs gouvernements ?

Les gouvernements au service des oligarchies financières s’entendent pour faire payer les peuples, mais se font la guerre pour la suprématie et le partage du butin.

Un fédéralisme européen est-il la solution ?

Souvent évoquée le fédéralisme est une imposture, au mieux une utopie, n’en déplaise au journaliste Bernard Guetta de France Inter ou à EELV.

Les constitutionnalistes européens ont échoué en 2005, mais aussi lors des dernières élections européennes qui ont vu l’échec à grande échelle de la social-démocratie européenne.

Les difficultés présentes signent également l’échec des fonctionnalistes qui appellent de leurs vœux un simple fédéralisme économique, nécessairement anti-démocratique.

Le fédéralisme est une imposture, au mieux un vœu pieux, une fuite en avant.

On cherche la simplicité dans un quasi-Etat, on contourne les contradictions, on raccourcit les décisions en étouffant la complexité et en bridant les possibilités progressistes.

Mais l’Europe n’est pas un quasi-Etat car elle n’est pas une quasi-Nation, et ne peut être actuellement qu’un intermédiaire entre les nations et le monde. Elle ne pourrait avoir de sens que si d’une part elle participait à l’émergence d’une société monde progressiste, impossible sans un véritable internationalisme entre les peuples et si d’autre part elle respectait la souveraineté des nations. Et encore faudrait-il que les souverainetés nationales reposent sur les décisions des peuples et soient des souverainetés populaires.

L’Europe proposée par le capital aujourd’hui n’est ni une Europe des Nations, ni une Europe Fédérale, c’est une Europe puissance, pragmatique, où il n’est question que de confier la régulation d’ensemble à des « coopérations renforcées » entre les plus puissants, dans le cadre d’une structure étroite de « gouvernance » où les plus riches morigènent et dominent les moins puissants, les mauvais élèves, jusqu’à intervenir directement dans la mise en place de gouvernements nationaux (Grèce, Italie), la confection des budgets nationaux et la mise sous tutelle des pays défaillants.

Le tout s’effectue dans l’inconscience des déchirements dus au développement inégal du capitalisme en Europe et dans le monde, de la compétition renforcée entre nations, entre régions et bientôt en France entre communautés de communes, dans l’inconscience de la paupérisation croissante des peuples.

Les conséquences sont calamiteuses. On assiste à l’impuissance des eurocrates, à la valse hésitation des Etats, aux convulsions des marchés et en fin de compte à une dictature sur les peuples.

Alors pendant que les oligarchies financières s’organisent au niveau européen et mondial, contre les peuples et dans le chaos, tant au niveau européen que mondial, il est temps que les forces alternatives s’organisent à l’échelle de chacune des nations, mais également dans un cadre internationaliste.

Faire converger les forces et les mouvements progressistes des citoyens des différentes nations devient une nécessité. C’est d’ailleurs le mot d’ordre des indignés.

Une seule solution : reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers

Dans son programme le Front de Gauche annonce sa claire volonté de « mettre fin à ces privilèges inouïs et contraires à la démocratie qui nous placent sous la menace de crises financières incessantes et de politiques d’austérité désastreuses ».

Il propose de mettre en place une nouvelle réglementation bloquant la spéculation et la financiarisation de toute l’économie et de placer sous contrôle social les banques privées qui la violeraient.

Il propose d’agir pour changer les missions de la Banque centrale européenne et de créer un pôle public bancaire qui agira pour l’emploi et les salaires, contre les délocalisations et la spéculation.

En proposant une Assemblée Constituante pour changer de République, le Front de Gauche avance l’idée que la seule voie possible est de réinstaurer une vraie souveraineté populaire dans notre cadre national qui à son tour pourra faire école dans d’autres pays.

Et tout de suite le Front de Gauche propose :

  • l’adoption d’une loi portant création d’un pôle public financier transformant la politique et les critères du crédit ;
  • le placement sous contrôle social des banques privées qui ne respecteraient pas la nouvelle réglementation en matière de lutte contre la spéculation et la financiarisation de notre économie – le blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux ;
  • la réforme de la fiscalité : suppression du bouclier fiscal, augmentation de l’ISF et de l’impôt sur le revenu du capital, taxation des revenus financiers des entreprises, mise en place du principe de modulation de l’impôt sur les sociétés et du taux des cotisations patronales en fonction des objectifs d’emploi, de formation et de salaires de l’entreprise ;
  • la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales qui ont montré leur efficacité ;
  • la création d’un Fonds national et de fonds régionaux pour l’emploi et la formation.

 

Tout cela exige une rupture réelle avec le capitalisme et nécessite la constitution d’un mouvement populaire. Les assemblées citoyennes du Front de Gauche se proposent d’en être le vecteur et rassemblent toujours plus de participants décidés à s’impliquer.

Contrairement à 2007, la gauche de rupture avec le capitalisme a un candidat, Jean Luc Mélenchon.

D’ores et déjà, les idées et les positions du Front de Gauche progressent.

Son combat, notre combat est moderne, il est unique, il est vital et comme l’a dit si bien un de nos camarades : si tout ce qui nous retient se met à nous pousser, nous abattrons les obstacles tous ensemble et maîtriserons notre propre destin.

Comité du Périgord Noir du Parti de Gauche

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